Conférence : 16 juin 2017

 

Templeuve-en-Pévèle, rue Grande Campagne (Nord, France). Des tombes privilégiées gallo-romaines installées en bordure d’une voie

 

 

 

Salle Robida - 20h30

Drac de Picardie

Entrée libre

 

Evelyne Gillet -Inrap. En collaboration avec Jean-Marc Doyen, Kai fechner – Inrap, Jean-François Geoffroy - Inrap, Aurore- Louis Inrap, Ludovic Notte- Inrap, Maria-Nuria Villena-Nota - Inrap, Sophie Oudry-Braillon Inrap.

 

 

 

 

Suite à un projet immobilier déposé par la société Bouygues, une intervention d’archéologie préventive a été prescrite par le Service régional d’archéologie du Nord-Pas-de-Calais à Templeuve-en-Pévèle, Rue Grande Campagne (Nord). Le site avait fait l’objet d’un diagnostic préalable en 2014, lequel révéla la présence d’un axe routier gallo-romain associé à une tombe à caractère privilégié (Neaud 2014).

 

 

 

 

 

Durant le mois de mai 2015, une campagne de fouille a été menée sur une emprise de 6123 m2. À l’issue de l’opération, 138 faits ont été isolés et la plupart des structures se rapportent à la période romaine ou moderne. L’occupation la plus ancienne est toutefois attestée par une fosse isolée se rattachant à l’époque laténienne.

 

 

 

Durant la période gallo-romaine, deux phases d’installations successives sont principalement représentées par l’aménagement d’une voie romaine pourvue de fossés bordiers et par l’installation d’une nécropole aux abords nord-ouest de cette dernière (fig. 1).

 

 

 

L’axe de circulation nord-ouest/sud-est constitue l’élément structurant principal au sein de l’emprise. Très érodé, il se compose essentiellement de fossés bordiers latéraux parfois recreusés ou dédoublés (réaménagement ?), enserrant une bande de roulage dont la largeur peut être estimée entre 5,25 m et 4,90 m. L’assise de la voirie et la surface carrossable ayant complètement disparu, seuls quelques indices pédologiques ont permis de mettre en évidence l’existence de quelques rares traces de compressions très localisées (ornières). Le mobilier céramique récolté au sein des structures fossoyées illustre une fourchette chronologique large entre le milieu du Ier s. et le milieu du IIe s. L’emprise totale de la chaussée et des fossés latéraux, relativement importante, mesure entre 10,10 m et 11,50 m de largeur. Ces dimensions importantes permettent d’envisager son rattachement à la via publicae attestée dans la table de Peutinger sous les mentions Turnaco (Tournai) et Nemetaco (Arras). À l’exception des sites de Dourges et Hénin-Beaumont susceptibles de s’y rattacher, la documentation archéologique relative à cet axe fait encore défaut.

 

 

 

La nécropole se compose de cinq caveaux remarquables et de dix tombes en fosse accueillant des incinérations secondaires. L'espace funéraire est structuré par l'alignement parallèle des caveaux quadrangulaires sur l'axe nord-ouest/sud-est de la voie romaine. L'écart de distance respectif entre ceux-ci et la limite nord-ouest du fossé bordier F. 77 varie peu, entre 19,32 m et 23,04 m. De même, la distance intermédiaire observée entre chaque ensemble funéraire est relativement constante, entre 6 m et 8,25 m. Malgré cette apparente homogénéité, les techniques de construction employées et la nature des dépôts divergent. Deux caveaux particulièrement bien conservés présentent une chambre funéraire souterraine installée dans une fosse quadrangulaire, construite en appareil de pierres en calcaire argilo-silicieux du Tournaisien, en craie blanche régionale et en calcaire gréseux nummulitique de l’Yprésien, alterné de niveaux de tegulae disposés à plat. L’espace interne de la chambre funéraire de la tombe 47 mesure environ 1,20 m de côté et est pourvu de trois niches (fig. 2). À l'exception de deux récipients en verre et quelques éléments de coffrets en bronze et fer, son contenu a été entièrement pillé. L'ensemble 27 exceptionnellement bien conservé se compose d’un espace interne d'environ 0,82 m de côté agrémenté d'une grande niche latérale. Demeuré intact, il présentait lors de sa mise au jour, une couverture de tuiles effondrée, disposées à l'origine à plat sur un système de madriers de bois. Le mobilier exceptionnel se compose d'un service en alliage cuivreux (cruche à bec trefflé de type Eggers 125 et bassin à manche de type Eggers 155), de céramiques de productions régionales et d'importation, de quatre récipients en verre, dont deux bouteilles prismatiques, d'une monnaie, d'une paire de chaussures à clous et d'un amas osseux disposé dans la niche. Un troisième caveau fortement arasé livre peu d'information sur son mode de construction (F. 62), seuls quelques amas de tuiles correspondant au niveau de sol de la chambre ont été mis au jour au sein d'une large substructure de 2,80 m x 1,88 m. Parmi les quelques dépôts sauvegardés, on note la présence d'une cruche à pâte orange, d'un fragment de bassin en bronze, et de cinq récipients en verre dont un ensemble exceptionnel de quatre bouteilles prismatiques demeuré intact (fig. 4). Une quatrième construction (F. 26) revête un caractère particulier par un aménagement de tuiles disposées sur leur champ, formant un quadrilatère de 1,70 x 1,40 m compartimenté (fig. 5). Les restes incinérés disposés dans le coffrage central sont recouverts par un dispositif libatoire composé d’une cruche renversée au fond percé. L’ensemble est accompagné d’un dépôt de 14 monnaies, d’un trépied miniature en fer et de récipients en céramiques de productions essentiellement régionales. Quant aux caissons latéraux, ils contiennent diverses offrandes composées d’une bouteille de verre, de quelques objets en fer dont un gril miniature et de céramiques provenant également d'ateliers régionaux. Enfin, un cinquième ensemble (F.118) particulièrement érodé était contenu dans un coffre de bois mesurant 0,86 m x 0, 78 m d’après son empreinte encore visible au sein d’une grande fosse d’installation. Les dépôts très altérés livrent des récipients en céramiques de productions régionales et d'importation, une bouteille en verre prismatique ainsi que divers éléments métalliques dont une serrure, des éléments de chaîne ainsi qu'une cruche en tôle de bronze fragmentée avec anse en fer.

 

 

 

Le reste de la nécropole se compose d’une dizaine de tombes en fosse agglutinées au nord-ouest de l'alignement des caveaux. Bien que la plupart des dépôts soient fortement altérés, ils présentent tous un amas osseux plus ou moins conservé associé à une ou deux, voire trois céramiques, selon le cas. Un seul ensemble (F.13) présente une fibule de type Alngren 16. L'érosion importante provoquant la disparition totale des horizons d'occupations antiques (sol, assise de la chaussée…) permet d'envisager un nombre d'incinérations plus important à l'origine.

 

 

 

Un dispositif de clôture sous la forme d'un tronçon fossoyé en forme de « L » de 33,20 m x 23, 75 m a pu être mis en évidence (F.12) autour des caveaux F 27, 28, 118 et 47. Celui-ci devait probablement s'intégrer à un enclos quadrangulaire ou en forme d’« U » ouvert sur le côté sud-ouest (vers l'axe routier). À l'intérieur de l'aire funéraire, on observe également la présence de quelques segments de fossés dont certains peuvent être associés aux caveaux funéraires. Ces derniers devaient vraisemblablement assurer une fonction drainante comme l'atteste le segment F. 54 rejoignant le fossé bordier F.77.

 

 

 

L’étude du matériel céramique permet de dater ces dépôts entre la première moitié du Ier s. et la seconde moitié du IIe s. de notre ère. L’étude des monnaies réalisée par J.-M. Doyen permet d’affiner la chronologie pour quatre ensembles funéraires avec un terminus post quem vers 117-125 (Dupondius d’Hadrien) pour le caveau 27, vers 130 (Nerva avec traces d’usures) pour la tombe avec coffre de bois 118, vers 126 pour l’incinération en fosse F. 60 (Dupondius d’Hadrien) et enfin vers 148-149 (As d’Antonin le Pieux) pour le caveau 26.

 

 

 

Les caractéristiques pour le moins originales observées sur la nécropole de Templeuve-en-Pévèle, tant du point de vue architectural que par la qualité de certains dépôts, permettent d’identifier cinq ensembles funéraires privilégiés à caractère élitiste. Ils se rattachent à des modes funéraires particuliers se définissant par un système de chambre funéraire souterraine avec ou sans couloir d’accès, construite selon différentes techniques soit par un coffrage compartimenté en tegulae posées de champ, soit par un coffre en bois, ou encore en appareil de moellons de pierres alterné de tuiles. Sur le territoire ménapien, le recours à la pierre ou/et aux tuiles pour la construction de chambres funéraires demeure exceptionnel (cf. Robelot 2014, Orchies/Le Quarnoy ; Denimal & Merkenbreack 2010, Marquette-Lez-Lille/Le Haut-Toucquet ). Cet usage semble en grande partie hérité des territoires voisins nervien, attrébate et morin (Amand 1983 ; Soupart 2008 ; Loridant & Herbin 2011 ; Compagnon 2010). La pratique des coffrages en bois aménagés en fosse est quant à elle bien documentée grâce notamment à des fouilles récentes comme celle de Saultain (Nord) sur le territoire nervien (Henton 2014).

 

 

 

 

 

Amand M., 1983. Ensemble funéraire des époques romaine et mérovingienne à Antoing-Guéronde, Vie archéologique, n° 8, 1983, p. 28-39.

 

 

 

Compagnon E., 2011. Noyelles-Godault, rue Joseph Fontaine, Bilan scientifique régional de la région Nord-Pas-de-Calais 2009, Ministère de la culture et de la communication, Direction du patrimoine, Sous-direction de l’archéologie, 2011, p. 177-179.

 

 

 

Denimal C. & Merkenbreack V., 2010. Marquette-Les-Lille, le Haut-Touquet, Bilan scientifique régional de la région Nord-Pas-de-Calais 2008, Ministère de la culture et de la communication, Direction du patrimoine, Sous-direction de l’archéologie, 2010, p. 86-88.

 

 

 

Henton A., 2014. Saultain, Rue H. Barbusse "Résidence "Champ du Pont Curgies". Une nécropole à hypogées et un atelier de forge gallo-romain, Rapport de fouille inédit, Inrap Nord-Picardie, 2014, 267 p.

 

 

 

Loridant F. & Herbin P., 2011. Découvertes archéologiques à Cantin (Nord): parcellaires et caveaux gallo-romai­ns, occupation carolingienne, Revue du Nord, T.93, 2011, n° 393, p. 233-260.

 

 

 

Neaud P., 2014. Templeuve « Rue Grande Campagne » : Voie et tombe privilégiée de l’époque gallo-romaine, Rapport de diagnostic inédit, Inrap, SRA Nord-Pas-de-Calais, Lille, 2014.

 

 

 

Robelot S., 2015. Orchies, "Le Quarnoy", tranche 5, Bilan scientifique régional de la région Nord-Pas-de-Calais 2014, Ministère de la culture et de la communication, Direction du patrimoine, Sous-direction de l’archéologie, p. 83-84.

 

 

 

Soupart N., Duvette L., Chaidron C., Laperle G., 2008. Les tombeaux gallo-romains à chambre hypogée de Bruay-La-Buissière , Rue du chemin vert, Revue du Nord, 2008, n° 378, p.31-52.

 

 

 

 

 

 

 

1. Extrait du plan de la fouille de Templeuve-en-Pévèle, Rue Grande Campagne. Vue au 250e de la zone de la nécropole gallo-romaine bordant l’axe routier gallo-romain. © DAO, E. Gillet -Inrap d’après les données topographiques de F. Audouit -Inrap. RGF93La
1. Extrait du plan de la fouille de Templeuve-en-Pévèle, Rue Grande Campagne. Vue au 250e de la zone de la nécropole gallo-romaine bordant l’axe routier gallo-romain. © DAO, E. Gillet -Inrap d’après les données topographiques de F. Audouit -Inrap. RGF93La

 

1. Extrait du plan de la fouille de Templeuve-en-Pévèle, Rue Grande Campagne. Vue au 250e de la zone de la nécropole gallo-romaine bordant l’axe routier gallo-romain. © DAO, E. Gillet -Inrap d’après les données topographiques de F. Audouit -Inrap. RGF93Lambert93-ign69.

 

2. Vue d’ensemble du caveau 47 ayant fait l’objet d’un pillage. © Nathalie Soupart-Inrap.
2. Vue d’ensemble du caveau 47 ayant fait l’objet d’un pillage. © Nathalie Soupart-Inrap.

 

2. Vue d’ensemble du caveau 47 ayant fait l’objet d’un pillage. © Nathalie Soupart-Inrap.

 

 

4. Détail du dépôt de quatre bouteilles prismatiques et d’une cruche à pâte orange dans le caveau 62. © Evelyne Gillet-Inrap, cliché Dominique Favier.

 

 

5. Vue d’ensemble du caveau 26. © Dominique Bossut-Inrap

 

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