ÉPAGNETTE Un bateau fouillé au fond de la Somme

Courrier picard 23 juin 2016 - Abbeville et sa région

Une équipe pluridisciplinaire fouille l’épave d’un chaland du XVIIIe siècle, qui repose avec sa cargaison de tuiles au fond de la Somme, à Épagnette. Un chantier difficile, mais passionnant.

Pour travailler, ces archéologues enfilent des combinaisons de plongée. Ils mènent pour la 5e année consécutive un chantier de fouilles subaquatiques au fond de la Somme, en amont d’Abbeville, à quelques mètres du château d’Epagnette. Il a pour objet l’épave d’un bateau du XVIIIe siècle : un chaland à fond plat d’environ 14 mètres de long, avec sa cargaison de tuiles. Tiré depuis le chemin de halage, sans doute par une dizaine d’hommes, il remontait probablement d’Abbeville vers Amiens avant de couler ici, tout près de la rive gauche. Il repose, depuis, à trois mètres de profondeur, dans un bon état de conservation.

En savoir plus sur la construction navale au XVIIIe

La découverte remonte à 2001. Suite aux inondations, des travaux avaient été entrepris pour creuser le lit du fleuve et rehausser la rive gauche. Un engin de chantier a involontairement détruit la bordée tribord. Un étudiant, Christophe Cloquier, qui faisait des prospections pour sa thèse, a repéré le bateau. Éric Rieth a ensuite réalisé un diagnostic, qui a décidé la mise en place d’un programme de fouilles.

Directeur de recherches émérite au CNRS et au ministère de la Marine, l’archéologue a réuni autour de lui une équipe pluridisciplinaire de spécialistes et de bénévoles. Pour eux, ce chantier est passionnant car les restes d’une telle embarcation, avec son chargement complet, sont rares et leur étude permettra d’en savoir plus sur la construction navale, la navigation fluviale, les échanges commerciaux à cette époque.

Les archives ne disent pas tout du XVIIIe siècle, et les navires de guerre sont finalement mieux connus que les civils.

 

Les archéologues-plongeurs ouvrent chaque année une fenêtre de trois mètres sur deux, en remontant de la poupe vers la proue, qu’ils viennent tout juste d’atteindre. Outre les contraintes liées au travail subaquatique, ils doivent composer avec la météo. «  Il ne faut pas trop de courant et au moins 30 cm de visibilité pour pouvoir faire des observations  », explique Éric Rieth. «  L e plus frustrant est qu’on ne voit jamais l’épave dans son entier  », confie Cécile Sauvage, archéologue au Drassm (ministère de la culture). Seuls les plans dressés d’après les relevés et les pièces remontées, offrent une vue d’ensemble.

L’embarcation est posée près de la berge, inclinée vers le centre du fleuve. «  On a tout le fond, et la bordée côté bâbord », détaille Cécile Sauvage. Reste maintenant à dégager la proue, pour définir précisément l’allure du bateau. Fabrice Casagrande, archéologue à l’Inrap, qui s’intéresse au chargement, ajoute : «  On a les piles de tuiles encore bien en place sur le fond.  » Des parties de l’épave ont été également sorties pour être analysées. Avant d’être remises en place, pour mieux les protéger. «  Tant que le bois est immergé, il n’y a pas de problème. Mais dès qu’il est sorti, le phénomène de décomposition est rapide  », explique Cécile Sauvage.

 

C’est Catherine Lavier, archéo-dendromètre au CNRS, qui étudie les pièces de bois. Elle peut non seulement dater la construction du bateau (vers 1749) mais aussi déterminer l’âge, l’essence, le nombre et l’origine des arbres utilisés : «  On a essentiellement du chêne. Ce sont des arbres très jeunes, qui viennent d’un milieu ouvert.  »

 

À partir des traces laissées sur le bois, elle peut également déterminer quel type d’outil a servi, quel geste a été effectué, et par qui : un maître-charpentier ou un arpète !

Un an pour découvrir

la raison du naufrage

Toutes les informations collectées permettront d’en savoir plus. Peut-être même sur la cause du naufrage. Fabrice Casagrande avance une hypothèse. Selon une carte d’état-major, le chemin de halage se trouvait sur la rive droite jusqu’au château, puis continuait sur la rive gauche. Cela obligeait l’équipage et les haleurs à passer d’un côté à l’autre, via un bac, et la manœuvre aurait pu être fatale au bateau. La campagne de fouilles reprendra l’année prochaine, la dernière peut-être pour résoudre le mystère.

 

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